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Allilavu 👀 et RĂ©gine Vandamme 🖋// DĂ©confit


Il y a quatre mois, nous étions confinés. Régine Vandamme et moi faisions des pronostics sur les conséquences de cette période tellement folle que nous ne parvenions toujours pas à y croire. Entre deux conversations, Régine me parle de quelques histoires qu'elle a écrites sur des situations inattendues vécues pendant le confinement par des gens de sa connaissance. On se dit alors que ce serait chouette de les illustrer.


Le premier texte qu'elle m'envoie raconte l'histoire d'une toute jeune centenaire dans une rĂ©sidence. J'ai adorĂ© ce texte qui parle de fĂȘte Ă  bas rĂ©gime, d'isolement, de transmission, de coquetterie et de vieillesse. Il trahissait dĂ©jĂ  en filigrane ce que l'on sait aujourd'hui des maisons de repos et des tragĂ©dies qui continuent de s'y dĂ©rouler. Je rĂ©alise alors avec plaisir, Ă  la plume et Ă  l'encre, l'image inventĂ©e de cette charmante FĂ©licie.


La semaine passée, Régine m'a envoyé un sms " La vieille dame dont tu avais illustré le récit est morte, victime des dégùts collatéraux du Covid 19 et de l'hygiénisme contemporain qui accompagne la claustration des vieilles personnes."

Le départ de cette dame que je n'ai pas rencontrée mais que j'ai imaginée m'a ému comme si nous étions proches.


Aujourd'hui, je vous partage l'histoire du centiÚme anniversaire de Félicie, écrite par Régine :


"Le dernier printemps de Félicie


FĂ©licie Leduc a 100 ans ce 27 mars. On lÊŒappelle Maman, Mamy, Tante FĂ©licie, Supermamy. NĂ©e bien avant la grande dĂ©pression de 1929, elle a traversĂ© guerre, crises, accidents, malheurs, maladies, deuils
 Active, crĂ©ative, rassembleuse, enthousiaste, elle a fait des miracles avec trois fois rien, est toujours allĂ©e de lÊŒavant. AnimĂ©e dÊŒune Ă©nergie joyeuse et contagieuse, elle a adoptĂ© ceux et celles qui sont venus Ă  elle et fait face aux contrariĂ©tĂ©s en les rĂ©duisant Ă  peau de chagrin.

À 100 ans, elle rĂ©siste aux misĂšres invalidantes de la haute vieillesse sans se plaindre car elle a fait dÊŒune petite phrase que son pĂšre lui a dite un jour : « Ma petite, vos problĂšmes nÊŒintĂ©ressent personne. », sa devise. À la rĂ©sidence le Théùtre, oĂč elle coule des jours paisibles depuis quatorze ans, elle se fait aider pour revĂȘtir ses habits de joie. On nÊŒabandonne pas les habitudes dÊŒune vie. On lui met un de ses jolis colliers en argent, un bracelet en ivoire, un foulard de soie, on coordonne le cardigan avec la jupe en gabardine et surtout, on lui met des chaussures de ville, elle ne va tout de mĂȘme pas descendre en pantoufles !

RĂ©sidents et rĂ©sidentes, soignants et soignantes, famille et amis, tous avaient planifiĂ© une surprise pour le centenaire de sa naissance. Cent ans, cent invitĂ©s. Elle aurait encore eu toute sa tĂȘte, elle aurait ri de ce centiĂšme anniversaire sur fond de confinement, gĂȘnĂ©e dÊŒĂȘtre au centre de la fĂȘte. Elle aurait levĂ© son verre et aprĂšs avoir remerciĂ© tout le monde elle aurait simplement donnĂ© rendez-vous dans un an.

100 ans, comme le coronavirus, ça nÊŒarrive pas tous les jours. Ce 27 mars 2020, une seule visite est autorisĂ©e Ă  FĂ©licie Leduc. Son fils, Edouard, lui apporte une bouteille de champagne. Ils sont seuls dans le grand salon de la rĂ©sidence . On entend les bulles crĂ©piter dans les flĂ»tes en cristal. Dehors, il fait beau. Ils trinquent. A la vie. FĂ©licie Leduc est heureuse. Elle a toujours dit que son secret de longĂ©vitĂ©, cÊŒest de nÊŒavoir jamais aimĂ© boire de lÊŒeau. Oui, elle est heureuse. Elle a cent ans mais ne les fait pas. Elle a cent ans et ne le sait pas. Sa mĂ©moire fait des perles. Tout de mĂȘme une chose la turlupine : qui est ce grand gaillard avec un masque, des gants et des sur-chaussures qui vide la bouteille avec elle ? Et pourquoi y a-t-il une paille dans son verre ? "


texte Régine Vandamme

 
 
 

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